Comment faire beaucoup avec peu ? C’est, semble-t-il, l’une des tendances du dernier album de Sylvain Rifflet, We Want Stars, qui vient de paraître sur son propre label (pluridisciplinaire), Magriff. Plutôt habitué à se dégourdir le souffle en quartet, voire au sein d’ensembles élargis, Rifflet propose ainsi (pour la première fois de sa carrière, de son propre aveu) un trio serré qui contourne la forme classique en associant son saxophone aux claviers synthétiques de Bettina Kee et à la polyvalence du batteur Vincent Taeger.
Ce choix est bien entendu tout ce qu’il y a de plus calculé. Rifflet le confesse lui-même : rien ne l’angoisse davantage que le fait de se confronter aux légions de références ayant plus que défriché la formule classique saxophone-contrebasse-batterie. Reste qu’il fallait tout de même trouver un moyen de faire danser le silence. Dès l’entame, l’ambition se concrétise avec le mystère du titre First Dance. Et s’emballe avec The Mojo, porté au galop par la belle agilité de Vincent Taeger. Rifflet y déploie l’assurance d’un saxophoniste qui sait exactement où aller. Les savantes combinaisons mises en place par Bettina Kee font le reste.
Et si Rifflet brillait tout particulièrement par ses idées fixes ? C’est une question qui émerge à l’écoute de We want stars tant cet album semble synthétiser tout ce que le saxophoniste a travaillé toutes ces années durant. On retrouve ainsi sur Mamahuhu ou sur Bach and Boom l’amour de Rifflet pour la musique du seul viking new yorkais de l’histoire Moondog (auquel il avait rendu un hommage vibrant il y a 10 ans) – et en creux, le travail que le regretté compositeur avait développé en continuation de l’œuvre de Bach – comme on retrouve ici et là les élans spirituels qui parcourent la carrière désormais considérable du saxophoniste (Riffology). Les idées fixes pourraient virer à l’obsessions : ce qui étonne en ce sens chez Rifflet, c’est sa capacité à ne pas se répéter, à creuser des sillons similaires sans jamais donner l’impression de tourner en rond. Pourquoi, comment. Voici comment il explique la chose : « Quand je compose, je pense d’abord aux musiciens et musiciennes avec qui je joue, et après sur scène, oui, je pense beaucoup aux gens qui sont venus nous écouter. J’ai l’angoisse de faire du jazz chiant, donc j’essaye toujours de générer des images, de créer une architecture, de donner une forme… Pas dans l’idée de plaire mais dans l’idée de créer un objet qui puisse avoir quelque chose d’attrayant. Qu’il y ait toujours un truc auquel les gens puissent se raccrocher, que ce soit formel, sonore, esthétique. J’aime bien l’idée de ne pas donner aux gens quelque chose qu’ils ont déjà entendu. J’essaye de faire en sorte qu’il y ait une forme de surprise, d’étonnement, que ça éveille une curiosité au son. C’est quand la curiosité est éveillée qu’on peut générer des émotions intéressantes.«
Voilà une recette qui semble fonctionner. Les étoiles approuvent très certainement…
