Dave Douglas est un musicien malicieux. Malicieux dans sa manière de conduire sa carrière (alors que le voilà depuis près de 20 ans à la tête de son propre label (qui ne cesse du reste de s’épanouir)), malicieux dans sa manière de penser la musique.
Malicieux – et charmeur – c’est un adjectif qui colle plutôt bien aussi au nouveau disque du suractif trompettiste. Nouveau disque et, faut-il le préciser, nouveau quartet au sein duquel figure l’un des saxophonistes les plus créatifs de ces dernières années, James Brandon Lewis, mais aussi le guitariste Rafiq Bhatia (révélation de la session) et le batteur Ian Chang, deux piliers du groupe expérimental Son Lux dont les plus avisés connaissent le goût de l’aventure.
Derrière Gifts, il y a une silhouette : celle de Charles Lloyd, dont la vie a servi d’inspiration aux compositions de Dave Douglas. Et il y a une figure : celle de Billy Strayhorn, dont 4 compositions sont reprises par le quartet. La silhouette et la figure se faisant écho dans la mesure où Lloyd n’a jamais caché sa fascination absolue pour celui qui fut le compagnon de route (parfois infortuné) de Duke Ellington.
Le travail du quartet sur la musique de Strayhorn est d’ailleurs assez bluffant. Etabli sous forme de suite (se situant de la 3e à la 6e plage), il propose une version de Take the A Train dont les accents rock renforcent l’inexorable avancée (ne cherchez pas, vous n’avez jamais entendu ce standard absolu joué de la sorte), une reprise de cette merveille qu’est Rain Check (plus souvent orthographié d’un seul tenant), une interprétation éblouissante de Blood Count (la plus grande réussite de la suite) sur laquelle Rafiq Bhatia déborde d’énergie comme d’idées, et enfin une déstructuration (très Lloydienne) de Day Dream.
Cela étant, les compositions de Douglas ne sont pas en reste : de l’ouverture élégiaque éponyme (qui cite frontalement le travail de Lloyd et s’appuie pleinement sur les qualités particulières de James Brandon Lewis dont la complémentarité avec le jeu toujours lumineux de Douglas devient d’emblée évidente) au complexe et hypnotique Seven Years Ago, sans oublier ce Goodbyes de clôture qui fait parfaitement écho au premier titre de l’album.
Dave Douglas ne s’arrête donc jamais. Et c’est tant mieux.
