Dickey Betts rafle la mise

Sur les photos de groupe du Allman Brothers Band, Dickey Betts se situe le plus souvent tout à gauche (ou tout à droite, ou à l’arrière…). En marge en somme, discret, et pourtant indispensable contrepoint de Duane Allman, cofondateur virtuose d’un collectif de rats de studio qui en avaient tous un peu marre de jouer les utilités ou de combler les besoins d’artistes parfois (souvent) bien moins doués qu’eux.

Au sein de cet ensemble absolument effarant que fut l’Allman Brothers Band de 69 à 71 (jusqu’au décès tragique de Duane dans un accident de bécane), Betts était l’un de ces ingrédients que l’on pourrait croire dispensables mais qui font en réalité la saveur unique d’un plat. Là où Duane fonçait tête baissée – révolutionnant au passage de manière insolente la technique de slide – Betts proposait son classicisme, son toucher, un jeu délié et délicat. Là où Duane attisait les feux, Betts était la lance à incendie géniale de compositions conçues pour vous faire passer tous les états (You don’t love me). Là où Duane faisait synthèse de toutes les meilleurs tendances musicales du sud, Betts recentrait l’identité, les racines, le commun de musiciens qui brillaient par leur langage commun. Là où Duane délitait l’ensemble, Betts s’attachait à le recomposer. Ce n’est ainsi pas un hasard – car l’entreprise était pensée, au-delà de l’illusion de spontanéité débridée qu’elle offrait – si du premier album du groupe à l’incandescent Live at Fillmore East en passant bien sûr par l’élégant Idlewild South, Betts et Duane Allman formèrent pendant 3 années bénies l’une des plus formidables paires de guitaristes de toute l’histoire du blues/rock américain. L’une des plus complémentaires et sans aucun doute la plus empathique.

Après le décès de Duane, l’aventure aurait pu s’arrêter là. Et elle n’eut sans doute plus le même allant ni la même énergie créative. Mais elle continua. Grâce à la ténacité de Gregg Allman, mais aussi à ce ciment incarné qu’était Dickey Betts. C’est ce que donnent à entendre les quelques morceaux enregistrés en studio deux petits mois avant la disparition de Duane Allman, en particulier Melissa, valorisant les intuitions mélodiques d’un guitariste qui en apporterait d’autres démonstrations quelques années plus tard à la tête de son propre groupe, le Great Southern.

Il n’est pas si aisé de se frotter aux virtuoses. A leur contact, il arrive qu’on s’y brule les ailes. Dickey Betts n’était pas de cette eau (tiède). Il n’apportait rien d’autre que ce qu’il était : son toucher démentiel, son amour des mélodies postprandiales, son sud viscéral.


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